Frontières quasi-fermées, culte du président, contrôle des médias: en traversant le Turkménistan, nous savions que nous allons vivre une expérience plutôt… unique! En revanche, on ne se doutait pas de l’accueil si chaleureux que les turkmènes nous ont finalement réservé. Après un passage éclair, nous revenons sur notre périple turkmène – une expérience que nous ne sommes pas prêts d’oublier!
Visa et passage frontière
Visa obtenu à l’ambassade du Turkménistan à Téheran (Iran)
Depuis l’Iran
Notre expérience
Achgabat
Notre histoire commence à Téhéran, en Iran: après 10 longs jours d’attente, l’ambassade turkmène finit par nous délivrer le fameux visa de transit de 5 jours, pour pouvoir atteindre le Kazakhstan. Nous sautons de joie: c’est une grande victoire pour nous, surtout quand on sait que le Turkménistan est un pays assez fermé aux touristes! 5 jours, c’est bien mais c’est peu: cela signifie que nous n’aurons pas le temps de visiter… En revanche, contrairement aux voyageurs disposant d’un visa touriste, nous sommes « libres » dans nos déplacements – ou plutôt non contraints de payer un accompagnateur 24h/24.
On se rendra vite compte que nous ne sommes pas si libres que ça…
Par chance, lorsque nous avons récupéré notre visa turkmène, nous avons fait la connaissance de voyageurs allemands en van. Ils nous ont embarqués avec eux dans leur « maison à 4 roues », jusqu’à la capitale turkmène Ashgabat, où nos chemins se sont séparés. Sans eux, l’autostop se serait avéré très compliqué car il n’y a quasiment aucune voiture qui traverse cette frontière!
L’arrivée au Turkménistan s’est révélée totalement surréaliste: pose d’un GPS dans le van de nos amis et interdiction totale de s’arrêter et de prendre des photos avant la capitale… De toute façon, il n’y a pas grand-chose à voir; rien à l’horizon, pas même une vache! Mais avant d’atteindre notre destination, nouveau contrôle policier et énième vérification des passeports. Ils finissent par nous ouvrir un grand portail: enfin, la voie est libre!
A première vue, Ashgabat nous fait penser à un grand parc d’attractions: immeubles d’un blanc immaculé, rues larges et vides, pelouses parfaitement tondues et pas un seul déchet en vue. Après une visite éclair en van, nous quittons nos amis allemands pour errer dans la ville, en quête d’un endroit où dormir. Nous abordons une femme pour lui demander si il est possible de camper quelque part: malgré son petit anglais, elle cherche visiblement à nous aider. Elle finira par nous présenter à son voisin Hadji, un cinquantenaire passionné de musique rock (et de cognac…) qui possède un petit studio dans lequel un groupe de trois jeunes turkmènes répètent. On finira par s’endormir sur les canapés du salon, au son des mélodies très rythmées et « rock’n’roll » du studio.
Le lendemain, nous visiterons de nouveau Ashgabat: une visite qui se révélera peu intéressante, les principaux monuments se trouvant en périphérie. Nous entrerons au culot dans le grand hôtel luxueux de la capitale pour y demander un peu de WIFI: le personnel, très gentil, nous fournira les codes d’accès et nous autorisera à nous asseoir quelques heures à la réception, sans contrepartie.
Les demandes CouchSurfing dans la capitale n’ont pas abouties, mais Ilaman de Balkanabat accepte de nous héberger la nuit suivante. Nous sortons de l’hôtel à la nuit tombée, sans itinéraire précis… Mauvaise idée! Les policiers, disséminés un peu partout dans la ville, nous lanceront plusieurs coups de sifflet: « no photo », « not here », « no possible »… A croire qu’ils n’ont que « no » à la bouche! Traqués, fatigués, nous décidons en dernier recours d’appeler Hadji, notre hôte improvisé de la veille – et notre seul contact dans cette ville. Il vient nous retrouver en ville et nous conduire chez son meilleur ami. Hadji, notre sauveur! Grâce à toi, nous étions à l’abri lorsque le couvre-feu a commencé, nous avons pu prendre une vraie douche et profiter d’une chambre privative. Le bonheur!
Balkanabat & Bektash
Pour notre 3ème jour au Turkménistan, nous partons tôt de la capitale, direction Balkanabat – sans savoir si l’autostop allait fonctionner dans ce pays ou non. Après avoir levé notre pouce, plusieurs voitures s’arrêtent: finalement, l’autostop semble assez facile ici (même si un grand nombre de conducteurs propose de faire le taxi) et nous arriverons à Balkanabat, 400 kilomètres plus loin, en début d’après-midi. La famille d’Ilaman – ses parents, artistes, et sa sœur Shirin – nous accueille comme des rois: déjeuner traditionnel turkmène avec riz « palau » et bières, douche chaude, chambre privative avec un grand lit confortable, internet… Nous sommes déjà frustrés de ne pouvoir y rester qu’un jour! Avant de repartir, la mère d’Ilaman m’offrira même une magnifique robe traditionnelle turkmène… Un cadeau inestimable, un bout de culture turkmène que je porterai fièrement sur les routes du monde.
En dehors de la capitale, on retrouve une architecture beaucoup plus sobre, désuète, et même un petit côté soviétique dans certaines villes où s’enchaînent des immeubles fades et carrés en béton. Après un pique-nique sur le bord de la route offert par la mère d’Ilaman, nous arrêtons une voiture conduite par David et ses 2 fils. L’aîné, Jakob, 15 ans, se montre ravi de pratiquer son anglais: on communique tant bien que mal à l’aide d’un traducteur, et on finit par comprendre que la famille se rend à Bekash/Garabogaz, soit une quarantaine de kilomètres de la frontière kazakhe. Une aubaine pour nous! Après une pause à Turkmenbashi et plusieurs heures de conduite sur des routes plus ou moins cahoteuses, nous arrivons enfin au village. David nous conduit auprès de sa femme, qui tient le bureau de poste du village: ils sont prêts à nous laisser dormir dans les locaux de la poste, après un dîner tous ensemble dehors…
Nous étions en train de boire le thé lorsque la police locale a débarqué. Après inspection rigoureuse de nos passeports et visa, les policiers refusent catégoriquement de nous laisser passer la nuit au bureau de poste. «Hôtel, Hôtel!» Nous aussi, nous refusons catégoriquement: pas d’argent, et pas l’envie! Après une discussion animée, un compromis sera trouvé: la police migratoire nous paiera une chambre d’hôtel! Nous poserons donc nos affaires à l’hôtel miteux du coin, escortés comme des prisonniers… Et dès que les policiers nous laisseront enfin tranquille, nous nous échappons discrètement de l’hôtel pour retourner voir David et sa famille au bureau de poste – ravis autant qu’eux de passer la soirée ensemble!
En route vers le Kazakhstan
20 Mai 2018, réveil difficile. Nous avons peu dormi sur les lits défoncés, pourtant il faut partir vite… Nous savons que la route va être compliquée, car peu de gens traversent cette frontière. En quittant l’hôtel, nous retrouvons dans la rue deux collègues de la femme de David, avec qui nous avions passé la soirée la veille. L’un d’eux nous dépose au départ de la « piste » – un endroit complètement perdu au milieu du désert, où le bitume semble avoir disparu.
Parmi les jeep-taxis qui attendent un potentiel client, nous repérons un camion arrêté au bord de la route. Julien s’empresse d’aller discuter avec le chauffeur: bingo, il va au Kazakhstan! Nous serons donc emmenés par Sergei, un routier russe, sur une piste complètement défoncée qui conduit aux postes-frontière. Nous y passerons pas moins de 5h, entre contrôles stricts des officiers turkmènes et fermeture du poste-frontière kazakhe pendant la pause déjeuner des douaniers…
Le Saviez-vous?
Le marché noir des manats
Avant de courir retirer de l’argent à l’ATM le plus proche, sachez qu’il existe au Turkménistan deux taux de change: le taux officiel fixé par le gouvernement (1$=3.5M) et l’officieux (1$=13.5M). Avec une telle différence, la plupart des touristes préfèrent se tourner vers les vendeurs de manats au marché noir… Pour les trouver, rendez-vous à la frontière et dans le bazar d’Achgabat!
Un culte du blanc
Immeubles blancs, voitures blanches, réverbères blancs, abris-bus blancs… Derrière la mégalomanie des dirigeants turkmènes, Achgabat mérite vraiment son surnom de « ville blanche »!
Un culte du président
Lorsqu’un dirigeant politique possède un égo surdimensionné, cela donne des portraits de sa personne à chaque coin de rue, des « unes » de journaux à sa gloire, des chaînes de télévision contrôlées et des sites internet bloqués…
No smoke, no cry
On le sait tous, arrêter de fumer est parfois très compliqué… Pour trouver du soutien, le président turkmène a tout simplement interdit à ses concitoyens de fumer dans l’espace public… Simple, efficace!
Fast and furious
Pays producteur de pétrole oblige, le Turkménistan est aussi le pays où on retrouve le plus de gros bolides sur les routes (Toyota 4X4). Et autant dire qu’avec des routes en ligne droite à travers le désert, certains conducteurs aiment bien pousser sur l’accélérateur!
Couvre-feu et oppression
Pour en avoir fait l’expérience dans un club de Balkanabat, la vie nocturne au Turkménistan s’arrête bien à… 23h (22h pour les plus petites villes!). Imaginez un peu notre tête quand la musique s’est arrêtée nette après avoir dansé sur « Despacito »!…Mais encore plus oppressant que le couvre-feu, ce sont les contrôles permanents qui rendent la vie des turkmènes compliquée: surveillance, contrôles policiers (en ville et sur la route), absence de liberté de parole – et pour nous, absence de liberté de déplacements et contrôle total des photos prises!
Le voyage alternatif au Turkménistan
Le budget
Notre budget quotidien
0€ / personne
Pas de retrait sur place
Venir avec des dollars, à échanger sur place
Monnaie
MANAT (1€ ~ 13 Manats au marché noir)
Nous savions qu’en arrivant au Turkménistan, le temps était compté (4 jours pour se rendre à la frontière kazakhe)… Et comme nous avions dépensé nos derniers rials en Iran pour acheter plein de nourriture, nous nous sommes fait le pari de traverser le Turkménistan sans argent – en gardant quelques dollars US dans la poche au cas où. Pari réussi!
L’autostop
Si l’autostop s’est avéré plutôt facile dans le pays, le passage des frontières en stop a été plus compliqué… Notre conseil est de prendre toutes ses dispositions, et de trouver un chauffeur qui traversera la frontière (chauffeur poids-lourd, touristes véhiculés). Sans compter la faible affluence aux frontières, les contrôles stricts et les horaires d’ouverture spécifiques (9h-17h en moyenne) rendent le passage plus compliqué.
Le bivouac
Si il est possible théoriquement de faire du camping sauvage en dehors des villes, cela n’a pas fonctionné pour nous. Au petit village de Bektash, les policiers n’ont pas voulu nous laisser camper et nous ont carrément payé une nuit dans un hôtel miteux!
L’hospitalité
Contre toute attente, nous avons trouvé des hôtes turkmènes sur le site de référence CouchSurfing! Et hormis cela, les turkmènes sont tellement curieux et ravis de voir des touristes que certains n’hésiteront pas à offrir l’hospitalité, comme ça a été le cas pour nous à Ashgabat!
En savoir plus sur le Turkménistan
* Article rédigé d’après notre expérience personnelle *