Bonjour, Hello, Ciao, Dober dan, Dobar dan, Mirëdita, Geai sou, Merhaba, Barev, Gamarjoba, Salam! Bienvenue dans notre série de newsletters qui retrace, chapitre par chapitre, notre grande aventure en autostop. Voici le chapitre 10 de notre aventure: Choc visuel, choc culturel – Roadtrip Iran, deuxième partie.
S’en prendre plein la vue
« Yazd! » nous crie notre chauffeur. Il nous dépose près d’un gros rond-point, malheureusement assez loin de chez Pedram, notre hôte… Avec notre allure de touristes perdus, 2 amis s’arrêtent: « Ok, on sait où se trouve votre ami! Venez, on vous emmène! »… Quelle classe! Nous arrivons au pied de l’immeuble, conduits comme des VIPs. On est accueillis par Sahar, la petite amie de Pedram et sa sœur, en attendant le retour de notre hôte. Tous ne parlent pas vraiment anglais; c’est pour cela que Pedram souhaite héberger des touristes – en échange de quelques cours de langue.
On se réveille tôt le lendemain: la journée promet d’être longue! D’abord, il faut se présenter à l’ouverture de l’office des visas pour notre extension ; puis une fois la demande prise en compte, nous nous mettons à marcher vers le centre-ville, à la recherche d’un nouveau téléphone d’occasion et d’un bureau de change ouvert – au moment où l’Iran traverse une grave crise monétaire… Peine perdue! Nous ferons demi-tour, épuisés, les poches vides et l’esprit en berne. Heureusement, après une bonne nuit de sommeil, nous finirons par récupérer nos passeports tamponnés (+1 mois d’extension gagné!), échanger notre monnaie, trouver un nouveau téléphone et se faire inviter par un jeune iranien à profiter d’une vue exceptionnelle de la cité depuis le toit de sa maison. De quoi nous redonner le sourire, au point même de nous accorder un petit plaisir: boire un verre dans la cour intérieure d’un charmant café, à deux pas de la mosquée principale.
Affalés en dessous d’un ventilateur, une boisson fraîche à la main, le portable connecté au wifi, il n’en fallait pas plus pour prolonger notre après-midi « bonheur ». Aux alentours de 16h, des nuages gris ont commencé à envahir le ciel parfaitement bleu, suivis du grondement caractéristique d’un orage qui se prépare à frapper… Pas de chance! Nous avions prévu encore quelques visites, mais pas sous la pluie! Tournant de nouveau la tête vers le ciel, en quête désespérée d’un signe d’amélioration, j’aperçois une teinte orangée se répandre dans le gris des nuages – comme une peinture ocre dispersée dans un verre d’eau. À vrai dire, je n’ai pas tout de suite compris ce qui nous arrivait. J’interpelle Julien et nous regardons, fascinés, le ciel se transformer sous des bourrasques de vent de plus en plus fortes. «Peut-on aller sur le toit?» demande-t-on à la serveuse, déjà occupée à ranger tables et objets de décoration balayés par le vent. «Vous êtes sûrs?» «…Oui ? »
On se fait conduire vers un petit escalier, mais en passant devant la porte d’entrée nous nous arrêterons nets, figés, les yeux écarquillés: le rouleau de sable venait de nous engloutir! Le décor semblait apocalyptique avec des arbres soufflés par le vent, des déchets volants, des rues désertes et un décor plongé dans une sorte de brouillard épais – un brouillard orangé, composé de poussières et de sable. Je m’aventure dans la rue, réalisant enfin que je vivais ma première expérience de tempête de sable! À ce moment-là, je m’imaginais déjà comme dans un film Hollywoodien avec le sable qui vient fouetter mon visage, pliée en deux sous le vent, les voitures emportées par la tempête… Mais au lieu de cela, le vent n’a fait que balayer mes cheveux dans tous les sens, et le sable se déposer en une couche très fine partout sur moi. Les yeux plissés, j’aperçois furtivement Julien prendre des vidéos de cet évènement exceptionnel, avant qu’il ne monte sur le toit. Je décide de le suivre. Une fois en haut, nous réalisons l’ampleur du phénomène: les maisons voisines sont totalement barricadées, et l’air, complètement saturé en particules de sable. Notre gorge se dessèche rapidement, et nous commençons à suffoquer… La serveuse nous encourage à redescendre, et nous la laissons nous mettre à l’abri, au chaud et coupés du vent, avec des bouteilles d’eau à disposition. Enfermés avec trois autres clients, nous attendrons patiemment la fin de « l’apocalypse » – qui n’aura duré que 10 minutes au total. La tempête passée, le ciel est finalement redevenu gris, la pluie est finalement tombée, et l’air est finalement redevenu respirable.
Si cette tempête de sable nous en a mis plein les yeux (tant au sens propre qu’au sens figuré), le reste de notre séjour à Yazd ne nous a pas déçus non plus: le charme de l’ancienne cité d’adobe de Kharanaq, le magnifique centre-ville de Yazd, les soirées «Wafour» avec Pedram (sorte de pipe traditionnelle en bois, aux motifs très particuliers, avec laquelle on fume l’opium)… Notre étape à Yazd nous aura laissés des souvenis et des émotions fortes.
Nous attaquons notre second mois en Iran à Chiraz, après avoir été invités à pique-niquer par l’un de nos chauffeurs d’autostop – et au passage, escroqués de 2€ pour avoir pris une photo d’un arbre vieux de plus de 4000 ans. La veille, Pedram nous a trouvé quelqu’un pour nous héberger, grâce à un post diffusé sur Télégram, le réseau social favori des iraniens. Il s’agit d’Ehsan, un étudiant ingénieur, également passionné par le voyage alternatif et l’autostop. Nous posons nos sacs au milieu d’un groupe de jeunes: son appartement ressemble à une véritable auberge espagnole, toujours rempli d’amis venus pour boire et s’amuser! D’ailleurs, notre séjour ne sera pas des plus reposants: entre les soirées, les sollicitations incessantes des taxis ou guides touristiques et les bousculades dans un centre-ville bondé, l’ultra-touristique Chiraz ne nous laissera pas un souvenir impérissable… Exception faite de sa « mosquée rose », dont les vitraux colorés projettent la lumière du matin sur les tapis perses de la salle de prière! En cet instant féerique, on se sentira touristes parmi les touristes – empressés de capturer cette lumière, entre poses « Instagram » et « clics » d’appareils photo.
Des jours « avec », des jours « sans »
Sur les conseils de nos amis iraniens, nous décidons de faire route plus au sud et d’explorer, au passage, un lac « rose » ainsi que le « grand canyon » iranien – où nous avions prévu d’y passer la nuit, en plantant notre tente à proximité. Certaines journées d’autostop se révèlent être des journées de rêve, et ce jour-là en était définitivement une: après avoir rencontré des personnes très sympathiques, nous nous faisons inviter pour le déjeuner dans la grande maison d’un grossiste agricole, et nous arrivons dans l’après-midi à Firoozabad, la ville la plus proche du fameux canyon. Notre dernier chauffeur est un « mosaferkesh » (taxi en voiture banalisée): il nous avancera quand même sans demander de l’argent, avec l’accord de ses clients. C’est d’ailleurs en discutant avec l’un d’eux que nous obtiendrons un rendez-vous avec Kami, un jeune homme parfaitement bilingue de Firoozabad. Il nous conduira au fameux canyon, qu’il connaît parfaitement, et nous invitera même à passer la nuit avec sa famille!
Malheureusement, tous les jours ne peuvent pas être merveilleux: après des « au-revoir » difficiles le lendemain, on vivra une de nos rares mauvaises expériences d’autostop. Peu après avoir été placés sur la route par Kami, un homme s’arrête à notre niveau: il a l’air suspect, il a le profil type d’un « mosaferkesh »… On lui précise bien « pas d’argent » en farsi (pool na), ce qui suffit à le faire fuir. Pourtant, quelques secondes plus tard, il s’arrête et revient vers nous: « OK, pool na » en faisant signe de monter. Après-tout, nous avions déjà été pris par des « mosaferkesh » gratuitement, et il a peut-être besoin d’aller un peu plus loin pour des raisons personnelles… Mais non! Après 30 longues minutes de malaise où il se montrera très tactile avec Julien (plus difficilement avec Margaux, installée à l’arrière), on réussit à l’arrêter. On sort et il fera demi-tour en quatrième vitesse. Plus que choqués, nous culpabilisons: comment a-t-on pu lui faire confiance?
La suite de la journée nous réservera de meilleures surprises; on nous offrira 1 kg de fruit, des cœurs de palmier crus, du réconfort et de l’amitié. Les paysages changent, on sent désormais le soleil et la chaleur s’abattre sur nous. Dehors, il n’y a plus que du sable, quelques palmiers et de drôles de réservoirs d’eau – des puits recouverts d’un dôme pointu, en adobe, qui permet de limiter la chaleur et l’évaporation de l’eau. À Lar, Reza, sa femme et leurs adorables petites jumelles nous attendent pour 2 nuits. Que dire de Lar? Une ville au milieu du désert, avec un vieux bazar et un caravansérail, des réservoirs d’eau, des mosquées… En somme, une ville typique du sud de l’Iran; ni désagréable, ni exceptionnelle. Heureusement que Reza travaille pour la municipalité: il nous emmène sur des sites historiques insoupçonnés, et ses explications sont les bienvenues!
Choc visuel, choc culturel
Après Lar, nous reprenons la route direction Bandar Abbas – qui ne sera pour nous qu’un point de transit. Nous souhaitons absolument prendre un ferry direction Ormuz, une île apparemment très colorée, qu’il faut absolument voir d’après les quelques voyageurs qui y sont allés. Arrivés sur l’île, nous étouffons rapidement sous la chaleur ambiante et constatons que le village d’Ormuz est plutôt pauvre. Nous marcherons environ 30 minutes en plein soleil, avant d’être pris en autostop par un pick-up qui nous emmènera dans les montagnes « arc-en-ciel » d’Ormuz. Ce fut pour nous un véritable choc visuel: une explosion de couleurs, ancrées dans la roche et le sol de l’île. Nous décidons de poursuivre notre incursion dans cet univers multicolore, en prenant la direction du sud de l’île, vers les plages de sable coloré. Et c’est au bord d’une falaise que nous rencontrerons un groupe de jeunes iraniens en van, qui nous déposeront jusqu’à la fameuse plage « rouge » – en réalité, une plage de sables noir, rouge et jaune mélangés! Là-bas, nous ferons connaissance avec une communauté de hippies et nous accepterons de rester une nuit avec eux, en plantant notre tente aux pieds des falaises d’Ormuz, face à une mer calme dont l’eau est juste à la parfaite température!
Le lendemain, pressés par le temps, nous quittons à regret notre plage « rouge »: dans 3 jours, nous devons être à Isfahan. Nous arrêterons 2 tuk-tuks, chargés de touristes, pour rejoindre le port d’Ormuz d’où nous reprendrons le ferry. Nous traverserons Bandar-Abbas et serons déposés sur la route menant à Chiraz. Un jeune conducteur de « mosaferkesh » s’arrête, on lui fait comprendre que nous souhaitons remonter en direction de Chiraz, sans argent: il accepte, et nous déposera même aux abords de Chiraz 6h plus tard et 600km plus loin – un nouveau record! Seul bémol, l’emplacement: nous voici au bord d’une grande route bruyante à 1h du matin, sans intimité, sans pelouse… Le genre d’endroit où l’on déteste camper! Pourtant, il faudra nous y accommoder. Allez, un petit effort, juste pour cette nuit…
Malgré notre mauvaise nuit de sommeil (ah bon? vraiment?), nous nous remettons en route lorsque 2 cyclistes s’arrêtent à notre hauteur. L’un d’eux, Mamal, nous invite carrément chez lui pour manger et nous reposer. C’est parfait! Il nous donne son adresse, et nous arrêtons une voiture qui nous déposera non loin de chez lui. On souhaite offrir quelques fruits à Mamal en guise de remerciement, mais le vendeur ambulant refuse notre argent (et ce n’était même pas du Ta’arof!). On arrive avec deux beaux melons, ce qui ravit Mamal. Cet iranien, d’une quarantaine d’années, vit et travaille la moitié de l’année en Sibérie, une des régions les plus froides du monde! Et l’hiver en Russie? Pas de problème, il aime ça! Autant que les femmes russes, d’ailleurs…
Nous quittons sa maison après, cette fois-ci, une bonne nuit de sommeil: il ne nous reste plus qu’un jour pour rejoindre Isfahan. En chemin, nous en profitons tout de même pour visiter Persépolis, un site archéologique immense et touristique… Pour la petite anecdote, lors de notre premier séjour à Chiraz il nous avait été impossible de le visiter: un camion citerne s’étant renversé sur la route, la police avait donc interdit toute circulation par mesure de sécurité.
Nomades modernes, nomades traditionnels
Nous arriverons à Isfahan en début de soirée, avec l’espoir de camper non loin de la mosquée principale, et ainsi être prêts le lendemain… Mais prêts pour quoi, au juste? Hé bien rappelez-vous, lorsque quelques temps auparavant nous étions assis à la terrasse d’un café de Yazd, à profiter de boissons fraîches et d’un peu d’Internet… Lors de cet après-midi « connecté », nous avions reçu un drôle de message d’une agence touristique iranienne: on nous proposait de partir gratuitement à la rencontre des derniers nomades d’Iran, les Bakhtiaris; et de les suivre 5 jours dans leur migration en échange d’un reportage photos/vidéo. Tout était déjà réglé; départ du tour d’Isfahan en présence d’un guide expérimenté et d’un groupe de touristes. Rendez-vous fixé à 7h tapantes, tenue de randonnée exigée.
Notre dernier chauffeur, Mohammad, se démène pour nous. Après nous avoir offert des falafels (les meilleurs que l’on ait mangé en Iran!) et fait le tour de la ville pour nous trouver un endroit où camper, il finit par appeler son cousin et trouver une solution: nous dormirons dans l’appartement vide de celui-ci, en travaux. Son acte de gentillesse ne s’arrêtera pas là: le lendemain, il se lèvera à 6h pour nous amener, en voiture, au point de rendez-vous… Ou plutôt, au point de départ d’une aventure intense, dont nous n’en sommes pas ressortis indemnes.
En savoir plus sur la tribu nomade des Bakhtiaris
De retour à Téhéran, Fahrang, un touriste iranien présent lors de la migration avec les Bakhtiaris, nous accueille chez lui. Son appartement se situe à 5km à pieds de l’ambassade du Turkmenistan, dans les quartiers riches et convoités du Nord de la ville. Une chance pour nous, qui déposons notre demande de visa transit turkmène à la première heure le lendemain. Malheureusement, la tourista fait son apparition suite à la contamination probable de l’eau utilisée par les Bakhtiaris: malades, affaiblis, fiévreux, nous passerons les 10 jours nécessaires au traitement de la demande de visa transit turkmène pour se reposer. Afin de ne pas déranger Fahrang, nous passerons également nos nuits chez Mokhtar, un bienveillant ingénieur rencontré dans le métro, et chez Mohammad, le guide et créateur de l’agence touristique qui nous a permis de migrer avec les Bakhtiaris!
Au bout des 10 jours, comme convenu, nous nous sommes rendus à l’ambassade turkmène… pour rien. L’officier en charge des visas s’est montré absent toute la journée… Heureusement que nous avons pu passer le temps à partager notre peine (et nos histoires respectives d’aventure!) avec d’autres touristes présents sur place. Face à cette drôle de situation, Mohammad accepte de nous héberger une nuit de plus. Nous retournons à l’ambassade turkmène le lendemain, à la première heure. Après une longue attente (insoutenable!), notre sort est fixé: nous avons nos VISAS TRANSIT pour le Turkmenistan! On saute de joie, en même temps qu’Heidi et Valentin, un couple de voyageurs allemands en van, pressés de rejoindre l’Ouzbekistan. La même date d’entrée figure sur leurs visas turkmènes… On leur demande donc si on peut monter dans leur van, et se faire déposer au Turkmenistan. « Bien sûr! Ce n’est pas la première fois que nous prenons des autostoppeurs sur notre route! » Nous n’en revenons pas: nous avons nos visas, nous avons trouvé un véhicule pour nous amener au Turkmenistan… Avec autant de chance, il aurait peut-être fallu que l’on joue aussi au Loto, non?
Nous quittons donc Téhéran dans la foulée, installés confortablement dans un van, et très franchement heureux de tourner la page « Iran ». Au bout de deux mois, la lassitude nous avait gagné: trop de monde, trop de bruit, trop de sollicitations, trop de restrictions… On avait hâte de retrouver le calme, et un peu d’intimité. Nous avons donc parcourus plus de 900km à 4, en deux jours, avant d’atteindre la frontière de Bagjiran-Howdan – et passé 2 nuits en tente à côté du van! Nous avons également fait de drôles de rencontres; entre des sangliers sauvages et Christophe un grand voyageur à pieds. Nous n’oublierons pas non plus nos beaux moments de partage avec Heidi et Valentin! L’arrivée à Ashgabat, capitale turkmène, sonnera la fin de notre épopée « vanesque »… et le début d’une autre, plus locale, plus authentique.
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* Article rédigé d’après notre expérience personnelle *