Bonjour, Hello, Ciao, Dober dan, Dobar dan, Mirëdita, Geai sou, Merhaba, Barev, Gamarjoba, Salam, Salom! Bienvenue dans notre série de newsletters qui retrace, chapitre par chapitre, notre grande aventure en autostop. Voici le chapitre 13 de notre aventure: Des Doppa et de la Soie – Roadtrip en Ouzbékistan & Pamir kirghize.
Logés, nourris, gâtés
Des cabas, des charriots, de la poussière, des regards interloqués. Comment ne pas nous remarquer, nous, avec nos sacs sur le dos, coincés au milieu d’une foule de locaux, avec nos beaux passeports rouges bordeaux à la main? Les douaniers ouzbeks viennent à notre rescousse, tout sourire: de toute leur carrière, ils n’ont pas dû voir beaucoup de touristes passer par Izbozkan, cette petite frontière piétonne perdue au milieu des champs. Visiblement ravis de nous voir, ils n’hésitent pas à engager la conversation et à nous poser des questions avec le peu d’anglais qu’ils ont, tandis que nous leur répondons avec le peu de russe que nous connaissons. « President, France, friends! » C’est vrai: quelques jours plus tôt, le président ouzbek s’était rendu en France pour affaires et, afin de marquer le coup, un nouveau décret avait été signé pour permettre aux touristes français de visiter l’Ouzbékistan sans visa. Nos amis douaniers semblent mieux informés que nous, qui, n’ayant pas suivi l’actualité politique et les agendas présidentiels, avions déjà commandé (et payé) nos visas électroniques pour l’Ouzbékistan. Un sourire, un tampon: Welcome in Uzbekistan!
Passeports rangés, visas « qui-ne-servent-à-rien » jetés, nous avançons désormais dans le paysage ouzbek. Les routes kirghizes mal entretenues ont fait place à de grandes voies asphaltées; les bas-côtés jonchés de détritus à de la pelouse verte, tondue, bien délimitée par une rangée de cailloux ordonnés. Et surtout, les vieilles Lada ont disparues au profit de Chevrolet Damas… qui n’hésitent pas à s’arrêter en voyant notre pouce tendu. Le premier chauffeur à s’arrêter nous propose de nous emmener à Andijan, dans son centre de langues, où il étudie le japonais afin de tenter sa chance au pays du soleil Levant. On accepte, bien que l’immense ville sans intérêt d’Andijan ne faisait pas partie de nos plans: après tout, la route nous a déjà accordée de belles surprises. Lorsque nous arrivons au centre de langues, c’est l’effervescence: le directeur souhaite nous faire visiter son centre, les profs souhaitent nous faire participer à leurs cours d’anglais et les élèves, eux, souhaitent prendre une photo avec nous. On se plie au jeu, escortés de classes en classes, jusqu’à l’heure du déjeuner, jusqu’à ce que le centre se vide… Mr Rare (un pseudo qui colle parfaitement à sa tenue excentrique), un jeune ouzbek possédé par le rêve américain, nous emmène en ville à la recherche d’une banque pour retirer nos premiers Soms. Si la chasse à la banque acceptant des cartes étrangères s’est révélée infructueuse, elle ne s’est pas pour autant soldée par un échec: au croisement d’une rue, Khomoyun, un jeune homme de 19 ans aux origines ouïghours et à l’anglais parfait, vient se présenter à nous et, en écoutant notre histoire, décide de nous offrir l’hospitalité chez lui, dans sa famille: Welcome in my house!
« Si le paradis existait sur Terre, cela ressemblerait fortement à la maison en briques de Khomuyun »: lorsque nous avons franchi la grande porte de sa maison, nous y avons découvert des pièces baignées de lumière à hauts plafonds, indépendantes des unes des autres, s’ouvrant sur une grande cour intérieure ensoleillée et des arbres fruitiers (vignes, pruniers) – dans une vision de notes colorées pour nos yeux, sucrées pour nos palais. Sous l’auvent de l’entrée, une balançoire et une immense plateforme en bois, décorée d’un grand tapis et surmontée d’une petite table de thé semblent nous appeler, nous inviter à la détente. On s’est tout de suite sentis bien chez Khomoyun; heureux d’échanger avec ce premier hôte ouzbek et sa mère de 38 ans, une femme souriante et cultivée qui nous impressionne avec son niveau d’anglais (une langue qu’elle apprend depuis 4 mois seulement!). Le soir, nous aurons même droit au Plov traditionnel cuisiné dehors, sous nos yeux, accompagné en dessert par des fruits secs et de délicieux petits éclairs maison. Logés, nourris, gâtés.
Mariage & tarte Napoléon
En Ouzbékistan, l’hospitalité est une histoire de famille: Moubina, la sœur du beau-frère de Khomoyun, passionnée par la France et sa culture, nous invite chez elle le lendemain – pour nous rencontrer, mais aussi pour nous emmener à la faculté de langues d’Andijan où elle y apprend le français. Comme la veille, notre arrivée à la faculté attire toute l’attention des professeurs et des élèves, ainsi que celle du Doyen; un vieil homme enjoué, doté d’une personnalité espiègle et d’une veste multi-décorée de médailles récompensant ses actions en faveur de la francophonie. Guidés par Khomoyun et Moubina, nous nous éclipserons de la faculté pour retirer de l’argent ouzbek à la banque nationale, visiter le centre-ville moderne et animé, avant d’être de nouveau « kidnappés » par d’autres inconnus ouzbeks – pour assister à un mariage, cette fois. Au sein de l’immense palais de mariage, on essaie de se faire tout petit, on essaie de ne pas déranger, on essaie de voir cette cérémonie sans être vus. Si on reste en retrait, c’est parce que l’on a été éduqués comme cela, dans la discrétion et l’importance de ne pas se mêler des affaires d’autrui. On a donc pris sur nous lorsque nous avons été entraînés de force sur la scène, pour discourir sur l’amour en français devant une centaine d’inconnus, aux regards fixés sur nous, nos habits sales et peu appropriés. On a pris sur nous lorsque les mères sont venues nous tirer de l’estrade pour nous faire danser, les mains ouvertes pour récupérer les billets déposés par les convives comme le veut la tradition, devant une Moubina amusée. On a pris sur nous, mais on a surtout appris beaucoup.
Après ces deux premières folles journées, nous quittons nos nouveaux amis – non sans difficulté… On serait bien restés avec eux, si bien accueillis dans ce bout de paradis; mais nous devons avancer vite pour retrouver Florence, notre consœur autostoppeuse rencontrée au Kirghizistan, et déjà posée à Samarcande… Sortis d’Andijan, nous avançons étape par étape lorsqu’un camion s’arrête pour nous aider: à son bord, Gulam nous fait signe de monter. On ne le sait pas encore à ce moment-là, mais nous resterons un bon bout de temps avec lui: d’abord parce que le camion roule lentement (60km/h); ensuite parce qu’il a fallu s’arrêter un moment dans un village de soudeurs, où Gulam a revendu son conteneur vide au marché noir (un conteneur dont la tôle sera sûrement découpée, pliée, cintrée, soudée par les hommes du village et… de très jeunes garçons, que nous avons vu travailler d’arrache-pied aux abords d’ateliers et dans les champs de coton). Et puis surtout, nous resterons un bon moment avec Gulam parce que nous avons été tout simplement invités à rester chez lui, dans son appartement de fonction à Angren. C’est donc dans cette petite ville, à mi-chemin de Samarcande, que nous finirons la journée – après avoir été traités comme des rois, invités au restaurant le midi et à déguster une « tarte Napoléon » (un mille-feuille version soviétique!) le soir. À l’heure du coucher, Gulam nous surprendra encore une fois: traduisant ses propos de manière très approximative à l’aide de son téléphone, ce routier nous parlera de ses amantes, de radiations radioactives en Ouzbékistan rendant stériles les hommes et d’une publicité (repérée sur un magazine donné par un autre chauffeur routier) pour des poupées sexuelles en caoutchouc…
Après le petit-déjeuner, nous laisserons Gulam en proie à ses réflexions sur la sexualité pour reprendre la route, direction Samarcande. « On arrive » écrit-on à Florence qui nous a donné rendez-vous sur la place du Registan. « On arrive en début d’après-midi« . Au fil des kilomètres et à l’approche des grandes villes touristiques de la Route de la Soie, trouver des conducteurs qui acceptent de nous prendre gratuitement en autostop devient plus compliqué. Heureusement, entre deux échecs de pouce levé sur le bord de la route, Guli, une pétillante professeur d’anglais, vient nous réconforter – nous serons les bienvenus chez elle, lorsque nous aurons fini notre boucle des villes historiques ouzbèkes. « On arrivera plutôt ce soir« . Finalement, nous retrouverons Florence sur la place du Registan au coucher de soleil, comme pour conclure cette journée en beauté!
Rendez-vous à vendredi
Invités par Sanjar, un hôte Couchsurfing habitant Juma (une petite ville située à 30 kilomètres de Samarcande), nous dirons « au revoir » à Florence pour aller à Juma en autostop – une décision osée, alors que nous sommes au milieu de la ville, au milieu de la nuit, au milieu de tout et de rien. Mais contre toute attente, une voiture s’est arrêtée pour nous aider: à l’intérieur, un père et ses 2 fils, des tadjiks installés à Samarcande. Ils nous avancent jusqu’à la sortie de la ville, là où se trouve leur maison, et arrête un Damas – une sorte de mini-van taxi, de marque Chevrolet, partagé par 7 personnes. À notre insu, nos sauveurs remettront de l’argent au chauffeur pour nous conduire « à vendredi » (Juma signifiant vendredi en ouzbek). Tout se fait rapidement, discrètement: nous n’aurons pas le temps de protester, nos amis tadjiks sont déjà partis. Il y a des choses que nous ne pouvons pas contrôler; la bonté des gens en fait partie…
Malgré notre arrivée à une heure tardive, Sanjar nous accueille avec le sourire. Ce professeur en informatique souhaite améliorer son anglais, et semble ravi d’accueillir ses premiers invités étrangers chez lui. Sanjar craint que nous soyons déçus: sa maison est modeste, il n’y a pas de « vraie » salle de bains mais seulement un banya et des toilettes à la turque au fond de la cour. Nous le rassurons tout de suite: le banya, on connaît; idem pour les toilettes… Le plus important, pour nous, c’est l’échange culturel, de passer du temps avec lui et sa famille. Et ça tombe bien car du temps, nous en aurons plein le lendemain – de grosses averses de pluie nous contraignant à reporter notre visite de Samarcande. Alors que nous conversons avec Sanjar, assis par terre sur le grand tapis du salon, je me laisse distraire en observant sa femme, enceinte de 8 mois, s’occuper de toutes les tâches ménagères sous les ordres de la mère de Sanjar. La vie en Ouzbékistan est réglée à coup de mariages arrangés: les mères choisissent les futures épouses pour leur fils, et une fois les époux unis par les liens (non pas sacrés, mais imposés) du mariage, l’épouse emménage dans la maison de son mari (et de ses beaux-parents). La belle-mère peut alors se décharger de toutes ses responsabilités ménagères; sa belle-fille s’occupera de tout, comme le veut la tradition. Comme les magnifiques céramiques à l’extérieur des mosquées ouzbèkes, les sourires ne sont qu’une belle façade: à l’intérieur, tout est sombre.
Avant de repartir, Oibek, un ami de Sanjar parlant bien français, nous invite à revenir à Juma pour déguster vin et vodka produits par une usine locale. On en prend bonne note! À notre arrivée à Boukhara, Shukrat et ses deux enfants nous accueillent en fanfare – enfin surtout les enfants, deux boules d’énergie dotées d’un haut niveau d’espièglerie: nous n’étions pas encore débarrassés de nos sacs que nous étions déjà assaillis, obtenant enfin un peu de répit après avoir été vidé de toute notre énergie. Malgré la fatigue, nous trouverons les ressources nécessaires en soirée pour marcher jusqu’au centre-ville pour retrouver Sophia et son père Roland – un duo détonant père/fille que nous avons eu la joie de rencontrer à Karakol, au Kirghizistan. Un moment doux-heureux, perdus dans les ruelles du vieux Boukhara.
On se réveille le lendemain, en proie à une grande question: Khiva (une autre grande ville historique ouzbèke, située à 400 kilomètres de là) ou pas Khiva? On pense au peu de temps qu’il nous reste avant que notre visa chinois expire, à l’hiver et au froid qui va s’installer, à Boukhara et Samarcande que nous n’avons pas tout à fait visitées, à tous nos hôtes ouzbeks avec qui on aimerait d’avantage partager… Et la réponse apparaît claire, évidente: Khiva attendra! Après trois jours passés à Boukhara, nous reprendrons la route en sens inverse pour retourner chez Sanjar, à Juma – cette même ligne droite d’asphalte, ennuyeuse, coupant net des paysages désertiques s’étendant à perte d’horizon. Avions-nous déjà oublié que de la désolation naît la consolation? Arrêtant sur la route un joaillier ouzbek, nous serons invités au restaurant pour se repaître du traditionnel plov, puis dans sa bijouterie pour admirer ses créations. Remarquant la bague en argent à mon doigt (cadeau d’Aiperi), notre nouvel ami se met en tête de me laisser, à sa manière, un nouveau souvenir: un pendentif en argent (représentant une fourchette et un couteau croisés, symbole de notre déjeuner) est venu compléter ma tenue.
Des hommes et des promesses
De retour chez Sanjar, une table bien garnie nous attend: sa femme (très) enceinte a encore préparé un copieux dîner, non pas pour nous, ses 2 invités… mais pour nous et un autre couple de voyageurs que Sanjar a joyeusement invité, ravi d’avoir plein d’étrangers chez lui! Nous aussi, nous sommes ravis: Bri et son ami, un couple franco-italien formé en mer (lui était le capitaine du navire, elle l’apprentie moussaillon), nous fourniront de précieux conseils pour la navigation et la recherche ultérieure de bateau. Le lendemain, nous finirons par visiter la vieille ville de Samarcande – profitant d’une journée ensoleillée et des conseils avisés de Florence, Roland et Sanjar. Seul petite ombre au tableau: Oibek, l’ami de Sanjar qui nous avait invités à visiter l’usine locale produisant vins et vodkas, ne tiendra jamais sa promesse – une coutume assez répandue en Ouzbékistan, similaire au Ta’arof en Iran.
Heureusement, Guli, elle, tiendra sa promesse. Lorsque nous arrivons chez elle, dans son appartement d’Almalyk (une ville sans intérêt à la périphérie de la capitale ouzbèke, elle aussi sans intérêt), la table est mise et garnie de délicieux samsas à la courge qu’elle a cuisiné tout l’après-midi avec sa fille. Professeur d’anglais à l’école primaire de la ville, Guli nous emmènera faire connaissance avec ses élèves: des enfants curieux, ambitieux, totalement dévoués à leur maîtresse. On fera également la connaissance de Sevara, une jeune étudiante ouzbèke d’origine tadjike, qui nous invitera à déguster une pizza végétarienne à Tashkent, avant de nous poser plein de questions sur l’écologie. Anglais, écologie, voyage alternatif… Au cours de notre voyage, nous n’avons pas fait qu’apprendre – nous avons aussi partagé notre savoir.
Nous repartons à Andijan, là où tout avait commencé deux semaines plus tôt, heureux de constater que rien n’avait changé durant notre absence: des voitures qui s’arrêtent facilement, des sourires chaleureux, du coton qui s’échappe des camions au premier coup de vent, un soleil radieux. Si les voyageurs de la Route de la Soie ont oublié Andijan et la vallée de Ferghana, les habitants de cette région, eux, ne les ont pas oubliés: que l’on soit invités à dormir chez l’un, ou qu’un autre veuille nous payer le taxi pour effectuer les 100 kilomètres restants, la générosité se retrouve partout – surtout dans le cœur de Khumoyun et de sa famille, qui nous accueillent, encore une fois. Une chose est sûre: nous, nous n’oublierons pas Andijan, ni ces moments passés avec eux. Nous n’oublierons pas non plus ce dernier plov (que l’on appelle localement « Osh ») avant de repartir à… Osh, au Kirghizistan.
Mon beau Pamir, roi des sommets
Il ne nous a pas fallu longtemps pour atteindre Osh depuis Andijan en autostop; après tout, ces villes ne sont distantes que de 50 kilomètres, séparées par des collines dressées au cœur d’un paysage sec et une frontière séparant des villages, des maisons et des jardins privatifs en deux (on apprendra plus tard que certaines familles n’ont pas eu le choix que de voir un mur barbelé traverser leur jardin, les empêchant d’accéder à leur seul WC se trouvant désormais de l’autre côté). Si Osh n’échappe pas aux codes kirghizes, très influencés par l’ère soviétique (des toits en tôle, des barres de petits immeubles en béton, un bazar central très animé et une omniprésence du cyrillique), il y règne dans ses rues une ambiance très particulière – sans doute à cause des milliers d’ouzbeks peuplant cette ville kirghize, faisant ainsi côtoyer des Doppa parmi les Ak-Kalpak, les Somsa parmi les Mante.
Pour notre dernière expérience kirghize, nous ne serons malheureusement pas hébergés dans une famille kirghize mais par Yeji, une jeune voyageuse sud-coréenne et volontaire dans un centre de formation. En échange du logement et des repas, Yeji enseigne l’anglais mais surtout l’informatique aux jeunes kirghizes d’Osh – qui n’ont pas d’autre choix que de se rendre à Bishkek, située à 6h de route de là, pour étudier cette matière pourtant indispensable. Malgré sa réserve (et ses craintes, injustifiées, que la propriétaire du centre nous refuse l’hospitalité), Yeji nous guidera à travers la montagne de Sulaiman-Too et la rue principale d’Osh, à la recherche d’une bouteille de vin rouge pour accompagner notre dîner. Remarquant les nombreuses déchirures de mon haut au tissu trop usé, elle n’hésitera pas à me donner un de ses hauts, plus chaud, « pour remplacer mon vêtement troué et mieux supporter le froid qui vous attend ». Elle avait vu juste.
Ce matin du 28 Octobre 2018, le réveil a sonné très tôt: il n’a pas sonné deux fois, car nous nous sommes levé presque instantanément, réveillés par une montée d’adrénaline et la boule au ventre. Nous en étions (très) conscients: la route, et surtout les formalités douanières à la frontière chinoise allaient figurer parmi les étapes les plus difficiles de notre voyage. Après un bref « au revoir » matinal à Yeji, nous avons traversé Osh pour rejoindre le début de la M-41, plus connue sous le nom de la Route du Pamir: une route mythique, la deuxième plus grande route au monde, caractérisée par ses nombreux cols à passer, son état déplorable et son trafic important de camions routiers chinois, venus approvisionner l’Asie Centrale de ses produits plastiques et de mauvaise qualité. On finit par arrêter une première voiture, laissant derrière nous le paysage moitié aride, moitié vert d’Osh pour des montagnes de neige et de glace. En arrivant à Sary-Tash, c’est un paysage de toute beauté qui s’offre nous: en regardant vers le sud, une chaîne impressionnante de hauts sommets nous fait face, telle une barrière naturelle nous guidant vers la Chine, vers l’est. Au loin, quelque part, se trouve le pic Lénine – un point culminant à plus de 7000m. Un routier nous sortira finalement de notre torpeur pour nous avancer jusqu’à Irkeshtam, le dernier village avant la frontière. Sur la route, nous nous ferons arrêtés par des militaires kirghizes pour un premier contrôle: derrière ces hommes reclus, à la chapka fournie et aux bottes hautes, un renard apprivoisé glapit…
Il fait presque nuit lorsque nous arrivons au village fantôme d’Irkeshtam – un lieu-dit regroupant des dizaines de containers aménagés, pour la plupart abandonnés. Seul un petit café-restaurant semble apporter un peu de vie et de chaleur à la centaine de routiers bloqués à la frontière. Nous nous y installerons un petit moment pour s’offrir une pause, réchauffés devant un thé bien chaud, avant de trouver un endroit abrité du froid pour planter notre tente. Nous trouvons notre bonheur sous la forme d’un appentis protégé, près de la seule maison du village. Seulement, lorsque nous demandons au propriétaire l’autorisation de camper, celui-ci nous invite par gestes à venir à l’intérieur. Il nous fera comprendre que l’on peut dormir, gratuitement, dans un des dortoirs réservés aux routiers; un dortoir sale dont les draps n’ont pas été changés depuis un certain temps… À vrai dire, nous n’en demandions pas tant: pour notre dernière nuit au Kirghizistan, nous nous sommes encore fait offrir l’hospitalité!
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* Article rédigé d’après notre expérience personnelle *